Thèse de Omar Maiga : « Caractérisation géologique et géophysique 3D d’un système de réservoirs d’hydrogène naturel - Exemple du champ de Bourakèbougou, Mali »
Dans la course actuelle à la production d'un hydrogène vert et bon marché, celui qui se trouve naturellement présent dans le sous-sol terrestre soulève un intérêt grandissant dans le cadre d’un nouveau mix énergétique.
Au Mali, le champ de Bourakebougou est aujourd’hui la référence emblématique de ce type d’accumulations naturelles d'hydrogène dans le sous-sol : 25 forages exploratoires y ont démontré sa présence à forte concentration (98 mol%), à la fois dans un réservoir géologique situé à une centaine de mètres de profondeur et dans d’autres réservoirs plus profonds.
Pour mieux caractériser ces réservoirs et les processus de rétention et de préservation de l'hydrogène, un travail de thèse a été mené à IFPEN, en lien avec la société Hydroma qui exploite ce gisement.
Une étude approfondie des résultats des carottages et des diagraphies1 réalisées, ainsi que des données géochimiques obtenues, a été menée pour mieux caractériser la nature des réservoirs d’hydrogène de Bourakebougou [1].
Le réservoir principal, le moins profond et dans lequel la teneur est la plus élevée, est constitué de carbonates dolomitiques (« cap carbonates » de la période glaciaire de la fin du Protérozoïque). Ces carbonates sont en grande partie karstifiés2 et présentent un degré élevé d'hétérogénéité dans la porosité (0,21-14,32%). D'après l'analyse de l’imagerie de forage des réservoirs carbonatés (le réservoir principal le plus superficiel et d’autres secondaires plus profonds), l'accumulation d'hydrogène se produit principalement dans des cavités karstiques (Figure 1). D'autres réservoirs, en particulier les plus profonds, sont constitués de roches gréseuses poreuses dotées de porosités beaucoup plus homogènes (4,52-6,37%) par rapport aux carbonates massifs.
En comparant le système de réservoir étudié aux systèmes classiques de pétrole et de gaz, on constate que le réservoir d'hydrogène est un système dynamique qui se recharge progressivement en gaz riche en H2 à une vitesse proche de celle du soutirage. Cela s'explique par le fait que l'hydrogène, largement dissous en profondeur dans les aquifères profonds (ce qui a été confirmé par les diagraphies), dégaze en raison de la baisse de pression liée à la production. Il vient ainsi recharger le réservoir karstique supérieur, sous forme d’une phase gazeuse, permettant ainsi d’y maintenir une pression relativement constante à l’échelle de quelques années.
La mobilité extrêmement élevée des molécules d'hydrogène, due à leur très petite taille, leur confère des propriétés très diffusives conduisant aux fréquents suintements en surface récemment enregistrés dans le monde entier. C’est pourquoi la plupart des discussions relatives à l'exploration de l'hydrogène naturel se concentre sur ses occurrences en surface et sur les processus de sa production. Cependant, la capacité et le processus de son piégeage sont les questions les plus critiques pour tenter de découvrir des accumulations en phase gaz, à la fois significatives et permettant une production rentable. C’est pourquoi, dans une autre phase de ce travail doctoral, une caractérisation détaillée des roches couvertures (dolérites en l’occurrence) qui retiennent l'hydrogène dans le champ de Bourakebougou a été réalisée [2].
Cette étude a révélé que la capacité d'étanchéité des dolérites est liée au fait qu'elles sont très peu fracturées et qu'aucune des fractures n'est ouverte. Le rôle des aquifères a également été mis en évidence comme contribuant à la rétention de l’hydrogène dans la subsurface. En effet, ce dernier étant peu soluble dans l'eau, dans des conditions de pression et de température faibles, il devient de moins en moins susceptible de se diffuser facilement vers la surface depuis la faible profondeur où se trouve le réservoir principal.
En conclusion, cette étude souligne que l'exploration des champs d'hydrogène naturel ne doit pas se baser uniquement sur la présence d'un processus de génération, mais également sur la présence d'un système de piégeage très efficace.
1- Enregistrement physique continu des variations, en fonction de la profondeur, d'une caractéristique donnée des formations traversées par un sondage.
2- Un karst est une structure géomorphologique résultant de l'érosion hydrochimique et hydraulique de toutes roches solubles.
References:
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Maiga, O., Deville, E., Laval, J. et al., 2023, Characterization of the spontaneously recharging natural hydrogen reservoirs of Bourakebougou in Mali, Nature SR 13, 11876 (2023).
>> https://doi.org/10.1038/s41598-023-38977-y
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Maiga, O., Deville, E., Laval, J. et al., 2024, Trapping processes of large volumes of natural hydrogen in the subsurface: The emblematic case of the Bourakebougou H2 field in Mali, International Journal of Hydrogen Energy 50, 640-647.
>> https://doi.org/10.1016/j.ijhydene.2023.10.131
Scientific contact: Eric Deville